Mobilité bancaire : une révolution est en marche
Mobilité bancaire : une révolution est en marche
La Loi Macron sur la mobilité bancaire, en vigueur depuis le 6 février, amorce une véritable révolution du secteur bancaire. Elle permet en effet aux clients de changer de banque avec une très grande facilité. Les banques perdent ainsi le bénéficie des complications administratives. Dès lors, elles vont devoir repenser leur stratégie de fidélisation et de conquête de nouveaux clients. Conséquence logique attendue : une concurrence accrue sur les taux de crédit aux particuliers.
Les banques en ligne historiques se préparent donc à ravir des clients aux établissements installés. Sur les rangs figurent aussi les nouveaux acteurs de la Fintech.
La « phobie administrative » ne sera plus une excuse
Le dispositif Macron lève l’obstacle de la « phobie administrative ». Les banques devront désormais effectuer toutes les formalités à la place de leur nouveau client. Pour cela, le client doit simplement le souhaiter et signer un mandat de mobilité. Les banques devront également prévenir tous les organismes concernés par des prélèvements (fournisseurs d’électricité, de gaz, de téléphonie, etc.) ou des virements automatiques (salaires, retraite, etc.).
Un service d’aide à la mobilité bancaire avait déjà été créé par la loi Hamon de 2014 sur la consommation. Il avait vocation à accompagner le client dans ses démarches. Désormais, ce sera totalement géré par la banque et dans un délai de 22 jours ouvrés maximum.
Marie-Cécile Plessix, Directrice générale d’Axa Banque, affirme « Avec la loi Macron, le client va se reposer la question de sa banque ». La filiale de l’assureur compte un peu plus de 700 000 clients. Elle avait racheté Banque directe à BNP Paribas en 2002. Elle veut en priorité convaincre les 6 millions d’assurés de la maison mère. « Or, aujourd’hui, il y a une barrière à la sortie » affirme Amaury de Warenghien, Directeur des Finances, de la Stratégie et du Juridique d’Axa.
Cette barrière levée, les clients vont-ils quitter leur banque en masse ? Un nouvel acteur sera-t-il prêt à casser les prix, à la manière de Free ? C’est ce que promet Orange Bank, anciennement Groupama Banque, qui lancera son offre mi mai 2017.
Mobilité bancaire : vers un déclic chez le consommateur
« La loi Macron est bienvenue, elle va changer la dynamique. Et l’arrivée d’Orange Bank est une opportunité d’agrandir le marché de la banque en ligne, et toutes les banques en ligne en profiteront », considère Karien van Gennip, Directrice générale d’ING Bank France.
« Orange, comme nous, n’a pas une grande banque française comme principal actionnaire : cela nous donne plus de liberté. » Les banques en ligne « historiques » n’ont, en une quinzaine d’années d’existence, grignoté que quelques points de parts de marché. « Ce n’était pas si compliqué de changer de banque, mais ça l’était dans la perception des consommateurs », observe Grégory Guermonprez, Directeur général de Fortuneo, la banque en ligne du Crédit Mutuel Arkéa. « Il n’y aura pas de big bang du jour au lendemain, prédit-il, lucide. Mais le dispositif automatisé couplé à la hausse des frais bancaires chez les acteurs traditionnels va créer un déclic chez le consommateur. »
Depuis l’an dernier, les banques traditionnelles ont généralisé les frais de tenue de compte, dans un contexte de taux très faible qui réduit leurs marges. Selon une récente étude de Panorabanques, chaque compte bancaire devrait coûter en moyenne plus de 193 euros aux Français cette année (tenue de compte, carte, retraits hors réseau, découvert, etc). Très loin des banques en ligne, où ces frais varient de 12 à 20 euros.
Fidélité choisie ou subie ?
La relation des Français avec leur banque est généralement durable et la mobilité bancaire est aujourd’hui faible. 42 % des français n’ont ainsi jamais changé de banque principale, selon une enquête de Next Context, pour SAB et CGI, réalisée en décembre dernier auprès de Français connectés. Ce phénomène est encore plus visible chez les moins de 25 ans (57 %), qui tendent à conserver la banque de leurs parents.
Inversement, seuls 14 % ont changé de banque ces deux dernières années, dont 6 % en 2016. Pour 57 % des personnes interrogées, la dernière ouverture d’un compte remonte à plus de cinq ans. Enfin, selon OpinionWay pour Boursorama, près d’un Français sur deux est aujourd’hui client de sa banque depuis plus de vingt ans.
Cette fidélité est-elle choisie ou subie ? Les indicateurs divergent. Selon Next Content, 42 % se déclarent satisfaits de leur banque, mais 27 % envisagerait d’en changer dans les six mois à venir, et 36% dans les catégories à hauts revenus. Le niveau de confiance des Français dans leur banque n’est que de 60 % en 2016, pour les banques classiques, selon l’étude annuelle du cabinet Deloitte, contre 65 % pour les mutualistes et 79 % pour les banques en ligne.
Par ailleurs, les banques françaises souffrent d’un taux de recommandation négatif (elles ont plus de détracteurs que de promoteurs), selon le cabinet de conseil Bain & Company : dans les -10% à -25% pour les grandes banques commerciales (BNP, LCL et Société Générale, notamment), contre -5% en moyenne et un taux positif à plus de 40% ou 50% pour les deux leaders en ligne, ING et Boursorama.
Une mobilité bancaire aujourd’hui assez faible
S’il n’existe pas de chiffres officiels, la mobilité bancaire est aujourd’hui assez faible. Le rapport Mercereau l’estimait, en 2014 à près de 3,5 millions de comptes sur un peu plus de 70 millions de comptes courants, soit 4,5 %. Ce serait encore moins, selon l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, qui évaluait en 2014 cette mobilité à un peu plus de 3 %, loin de la moyenne européenne de 8 % à 9 %. Le cabinet Bain estime le taux d’attrition (la perte de clientèle) du secteur bancaire en France à 4,3 % en 2016, contre 2,5 % en 2014. La mobilité croît davantage chez les plus aisés et les 25-44 ans. Elle témoigne d’une insatisfaction croissante des clients, notamment en matière de qualité du service et de conseil.
Une guerre des prix annoncée
Les grands acteurs de la banque de détail se disent sereins face aux risques de mobilité bancaire. La Société Générale rappelle ainsi que son service « Bienvenue », mise en place en 2005, facilite la prise en charge des formalités administratives. 60 000 clients par an l’aurait déjà utilisé. Selon Raphaèle Leroy, Responsable des Relations Consommateurs de la banque de détail chez BNP Paribas France, ce dispositif « est le fruit d’un consensus au sein de la profession, une étape supplémentaire pour fluidifier le marché. C’est un progrès pour le consommateur et une bonne chose pour la profession car c’est important de donner le choix au client, qu’il ne reste pas par contrainte, parce qu’il est compliqué de sortir ».
Selon OpinionWay pour Boursorama, 12 % des Français sont prêts à changer de banque si tout est pris en charge à leur place. Ainsi, Benoît Grisoni, Directeur Général Adjoint de la banque en ligne, filiale de Société Générale, estime que « Le nouveau système lèvera des freins administratifs et psychologiques qui demeurent ». Boursorama est devenu le numéro un de la banque en ligne, avec 1 million de clients sous peu, le double d’il y a trois ans. La raison principale en est son positionnement prix très compétitif.
La qualité du service est essentielle au client. Cependant, la première raison du changement de banque est l’attractivité des tarifs (84 % des sondés par Next Content). Suivent les promotions (40 %). La crainte se fait désormais sentir d’une prochaine guerre des prix, ou des primes. L’arrivée prochaine d’Orange Bank ne fait que la renforcer.
Presque toutes les banques en ligne offrent désormais une prime de 80 euros à l’ouverture d’un compte courant. Certaines offrent également la carte et/ou la tenue de compte la première année.
La clé de la fidélité bancaire : le prêt immobilier
« Nous voulons développer une relation durable avec nos clients et passer du volume à la valeur », affirme Karien van Gennip. Et pour fidéliser, « le crédit immobilier est indispensable dans notre stratégie consistant à devenir la banque principale de nos clients, et non la troisième ou la quatrième ».
Car les nouveaux acteurs ont compris que le prêt immobilier était la clé pour s’attacher un client à long terme. Boursorama le propose depuis 2010, ING depuis dix-huit mois et Fortuneo commence, et propose également des rachats de crédit. Car la loi sur la mobilité bancaire ne concerne que les comptes de dépôt. Elle ne touche ni l’emprunt immobilier – souscrit par 30% des ménages français – ni les produits d’épargne. Ceci même si certains contrats sont transférables, comme le PEL ou le PEA, généralement avec des frais. Mais un crédit immobilier, cela se rachète et se renégocie.
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